Réponse sommaire :

Aucune étude n’est parfaite, mais celle de Séralini est de loin bien plus probante que les études de 90 jours menées par l’industrie pour l’approbation des aliments génétiquement modifiés par les autorités de réglementation. Il est inacceptable que ces études soient acceptées pour preuve de la sécurité des aliments génétiquement modifiés et que celle de Séralini, qui a étendu ces études de l’industrie et détecté des risques, soit rejetée.


Réponse détaillée :

Aucune étude scientifique n’est parfaite – toutes ont des failles et des limites. Mais celle de Séralini est bien plus probante en termes de durée d’étude, de paramètres examinés et de prudence dans sa conception (qui a permis d’établir une distinction entre les effets de la modification génétique et ce l’herbicide avec lequel l’OGM pousse) que les études de 90 jours menées par l’industrie pour l’approbation d’aliments génétiquement modifiés par les autorités de réglementation. Les critiques contre l’étude de Séralini ne font que mettre en avant la faiblesse de ces études de l’industrie.

L’une des failles dans la présentation des résultats de la publication de Séralini est qu’elle n’inclut pas les données brutes pour les mesures des paramètres foie-reins chez les mâles. Les auteurs indiquent dans le texte que la plupart des mâles sont morts prématurément suite à des dommages graves à ces organes, récapitulés au Tableau 2, mais ils ne présentent pas les données réelles sur lesquelles ces conclusions s’appuient. Le Tableau 2 ne présente qu’un récapitulatif des troubles que les animaux ont subis dans un groupe d’essai donné. Il ne présente pas les mesures réelles des paramètres qui sous-tendent la classification indiquée au Tableau 2. Même le Tableau 3 ne présente qu’un pourcentage de la variation entre les traitements et les contrôles et non pas les mesures réelles qui sous-tendent les variations de pourcentage énumérées.1

Toutefois, Séralini et ses collègues déclarent dans leur réponse aux critiques de cette étude que toutes les données seront mises à disposition dans des publications futures.2

En outre, cette faiblesse de présentation dans cette publication actuelle doit être jugée par rapport aux nombreuses faiblesses flagrantes des études de l’industrie menées sur les OGM pour des approbations par les autorités de réglementation. Par exemple, l’essai d’alimentation de 90 jours mené par Monsanto sur le maïs NK603,3 que l’AESA a accepté pour preuve de sécurité, comporte les faiblesses suivantes :

  • Six régimes de contrôle « de référence » sans rapport ont été introduits. Ils n’ont servi qu’à introduire un « bruit de données » qui a largement masqué les effets de la modification génétique. En réalité, des différences considérables ont été révélées dans les mesures sur le foie et les reins, mais celles-ci ont été masquées par la vaste plage de variables introduites par les six régimes « de référence » sans rapport. Ceci relève d’un tour de passe-passe scientifique.
  • Les rats n’ont été suivis que sur 90 jours, une période relativement courte équivalant à environ 7 à 9 ans de la vie d’un humain.4 Ceci est inadéquat pour évaluer les risques sur la santé des humains, que l’on peut présumer consommer un OGM sur toute une vie.
  • Des différences statistiquement importantes ont été détectées, mais rejetées comme n’étant pas liées au régime ou non significatives sur le plan biologique, sans justification scientifique. La durée de l’étude n’a pas été étendue pour voir si ces différences avaient en réalité une importance biologique.
  • Des échantillons de sang et d’urine ont été analysés sur dix rats seulement à travers des groupes de 20 rats. Pourtant les poids des organes ont été mesurés pour tous les 20 rats par groupe. Ainsi, les chercheurs de Monsanto ont sélectionné dix rats par sexe sur 20 pour les analyser. Quels étaient les critères de sélection ? Ont-ils choisi ceux dont les poids des organes étaient les plus sains ? Ou ont-ils analysé l’ensemble des 20 rats de chaque groupe et sélectionné les dix mesures les plus favorables pour leur rapport ? La méthode de sélection pourrait bel et bien avoir été objective et aléatoire, mais il est impossible de la savoir et, apparemment, l’AESA ne s’en soucie pas. Cette pratique invalide l’étude, car elle introduit une variable de sélection inacceptable d’un point de vue scientifique.
  • Moins de paramètres ont été mesurés que dans l’étude de Séralini et ce moins fréquemment.
  • Moins de doses du maïs ont été administrées que dans l’étude de Séralini (deux doses par rapport à trois dans l’étude de Séralini). Les chercheurs de Monsanto ont tenté de tirer une conclusion par rapport aux réactions au dosage après n’avoir administré que deux doses (11 % et 33 % de maïs), mais au moins trois doses sont nécessaires pour tirer une conclusion valable par rapport aux réactions au dosage, car avec seulement deux points il est possible de tirer une ligne droite entre eux quel que soit leur rapport mutuel. Trois doses sont requises par le protocole 408 de l’OCDE sur lequel les chercheurs de Monsanto appuient leurs études ; la raison pour laquelle les études de Monsanto sur 90 jours n’en utilisent généralement que deux est troublante.

Les effets de Roundup, l’herbicide avec lequel le maïs NK603 est cultivé, n’ont pas été testés séparément du maïs NK603. Ainsi, les effets détectés pourraient avoir été dus à l’herbicide ou à la modification génétique, ou à une combinaison des deux.


Références :

1.         Séralini GE, Clair E, Mesnage R, et al. Toxicité à long terme d’un herbicide Roundup et d’un maïs génétiquement modifié pour tolérer le Roundup. Food and Chemical Toxicology. Novembre 2012; 50(11) : 4221-4231.

2.         Séralini GE, Mesnage R, Defarge N, et al. Réponses aux critiques : Pourquoi il y a une toxicité à long terme en raison du maïs NK603 génétiquement modifié tolérant au Roundup et à un herbicide Roundup. Food and Chemical Toxicology. 9 novembre 2012.

3.         Hammond B, Dudek R, Lemen J, Nemeth M. Results of a 13 week safety assurance study with rats fed grain from glyphosate tolerant corn. Food Chem Toxicol (Résultats d’une étude d’assurance de la sécurité de 13 semaines sur des rats nourris aux grains de maïs tolérant au glyphosate). Juin 2004; 42(6): 1003-1014.

4.         Soffritti M, Belpoggi F, Degli Esposti D. Cancer prevention: The lesson from the lab (prévention du cancer : la leçon du laboratoire). Dans : Biasco G, Tanneberger S, eds. Cancer Medicine at the Dawn of the 21st Century: The view from Bologna (l’oncologie à l’aube du 21ème siècle : la perspective depuis Bologne). Bologna: Bononia University Press; 2006:49–64.

Sources de critiques :

« Experts » du Science Media Centre :

http://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-efsa-report-conclusion-that-seralini-study-conclusions-were-not-supported-by-data/

http://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-gm-maize-causing-tumours-in-rats/

Autorité européenne de sécurité des aliments

http://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/2910.htm

http://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/2986.htm