« Un élément qui a nous surpris est que les autorités de réglementation américaines s’appuient presque exclusivement sur des informations fournies par le développeur de cultures biotechnologiques et ces données ne sont pas publiées dans des revues ou soumises à une évaluation de pairs… L’image qui émerge de notre étude sur les autorités américaines de réglementation des aliments génétiquement modifiés est un ‘processus d’approbation’ automatique conçu pour augmenter la confiance du public dans les aliments transgéniques sans toutefois en assurer la sécurité ».

– David Schubert, professeur et chef du laboratoire de neurobiologie cellulaire de l’institut Salk, commentant une étude complète des autorités américaines de réglementation des OGM évaluée par des pairs qu’il a co-écrite [1,2]

Les aliments génétiquement modifiés ont initialement été commercialisés aux États-Unis au début des années 1990. L’autorité de réglementation des aliments aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA), a autorisé les premiers aliments génétiquement modifiés sur les marchés internationaux malgré les avertissements de ses propres scientifiques sur le fait que le génie génétique est différent de l’élevage conventionnel et qu’il pose des risques particuliers, notamment la production de nouvelles toxines ou de nouveaux allergènes. [3,4,5,6,7,8]

Conformément à la décision du gouvernement américain de « promouvoir » la croissance de l’industrie des OGM,[9] la FDA a élaboré une politique par laquelle les cultures et les aliments génétiquement modifiés ne requièrent pas d’essais particuliers ou de supervision du fait qu’ils sont « généralement reconnus comme sécuritaires » ou GRS. La FDA a justifié cette déclaration sur la base d’une hypothèse selon laquelle les composants d’une plante génétiquement modifiée seront « identiques ou essentiellement similaires » aux substances que l’on trouve dans des aliments non génétiquement modifiés, comme les protéines, les graisses et les féculents. [10]

La FDA se réfère au concept d’équivalence substantielle. Ce concept a été utilisé par le lobby des OGM et ses alliés pour obtenir l’acceptation et l’approbation réglementaire des OGM dans le monde entier.

La création de la politique de la FDA sur les aliments génétiquement modifiés a été supervisée par le Commissaire adjoint des politiques de l’organisme, Michael Taylor, qui a été nommé au poste en 1991. [11]  Avant de rejoindre la FDA, Taylor avait exercé dans le privé auprès d’un cabinet juridique qui représentait le géant des OGM, Monsanto. En 1998, Taylor est devenu le vice-président de Monsanto pour sa  politique publique.[12,13] En 2010, il était de retour à la FDA en tant que Commissaire adjoint pour les aliments. [14]

La carrière de Taylor est souvent citée en exemple de type de conflit d’intérêt appelé la ‘chaise musicale’, car il est si souvent passé entre les organes de réglementation et l’industrie que ces organes sont supposés réglementer. [15]

Contrairement à ce que croient beaucoup de personnes, la FDA ne dispose pas de processus obligatoire d’évaluation de la sécurité des aliments génétiquement modifiés et elle n’a jamais approuvé les aliments génétiquement modifiés comme sécuritaires. Elle ne mène pas et ne commandite pas d’essais sur la sécurité des aliments génétiquement modifiés.

Au contraire, la FDA mène un programme volontaire d’examen avant la mise d’aliments génétiquement modifiés sur le marché. Toutes les cultures d’aliments génétiquement modifiés qui sont commercialisés à ce jour ont été soumises à ce processus de revue, mais aucune exigence juridique n’est en place pour l’imposer. Les sociétés qui développent des cultures génétiquement modifiées sont autorisées à mettre n’importe quel OGM (organisme génétiquement modifié) sur le marché qu’elles souhaitent sans même informer la FDA, bien qu’elles puissent être tenues pour responsables en cas de préjudice résultant de ces OGM pour les consommateurs.

Aux États-Unis et dans tous les autres pays du monde, les cultures génétiquement modifiées sont soumises à des tests de sécurité par les sociétés de semences génétiquement modifiées qui tirent profit de la vente des semences et des produits chimiques qui les accompagnent. En général, ni la FDA, ni aucun organisme de réglementation dans le monde ne mène ses propres tests indépendants sur les cultures génétiquement modifiées.

Le résultat de l’évaluation volontaire de la FDA n’est pas une conclusion, approuvée par la FDA, que l’OGM est sécuritaire. Au contraire, il consiste à ce que la FDA envoie une lettre à la société déclarant que cette dernière est chargée de ne mettre que des aliments sûrs sur le marché et que si un produit s’avère dangereux, la société risque d’être responsable. [16]

Il est évident que ce processus ne garantit pas – ou même qu’il ne tente pas d’étudier – la sécurité des aliments génétiquement modifiés. Il ne protège pas le public, bien qu’il puisse protéger la FDA contre une responsabilité juridique en cas de préjudice provenant d’un aliment génétiquement modifié.

Étiquetage : Les aliments génétiquement modifiés et les ingrédients génétiquement modifiés dans les produits n’ont pas besoin d’être étiquetés aux États-Unis.

Références :

1.         Tokar B. Deficiencies in federal regulatory oversight of genetically engineered crops (lacunes dans la supervision des cultures transgéniques par les autorités de réglementation au niveau fédéral). Institute for Social Ecology Biotechnology Project. Juin 2006. http://environmentalcommons.org/RegulatoryDeficiencies.html

2.         Freese W, Schubert D. Safety testing and regulation of genetically engineered foods (essais sur la sécurité et réglementations des aliments transgéniques). Biotechnol Genet Eng Rev2004 : 299-324.

3.         Kahl L. Memorandum to Dr James Maryanski, FDA biotechnology coordinator, about the Federal Register document, « Statement of policy: Foods from genetically modified plants » (déclaration de politique : aliments issus de plantes génétiquement modifiées). US Food & Drug Administration. 8 janvier 1992. http://www.biointegrity.org/FDAdocs/01/01.pdf

4.         Guest GB. Memorandum to Dr James Maryanski, biotechnology coordinator: Regulation of transgenic plants – FDA Draft Federal Register Notice on Food Biotechnology (réglementation des plantes transgéniques – Projet d’avis du registre fédéral de la FDA sur la biotechnologie alimentaire). US Department of Health & Human Services. 5 février 1992. http://www.biointegrity.org/FDAdocs/08/08.pdf

5.         Matthews EJ. Memorandum to Toxicology Section of the Biotechnology Working Group: « Safety of whole food plants transformed by technology methods » (Mémorandum sur la section Toxicologie du groupe de travail biotechnologique : sécurité des plantes destinées aux produits alimentaires transformées par des méthodes technologiques). US Food & Drug Administration. 28 octobre 1991. http://www.biointegrity.org/FDAdocs/02/02.pdf

6.      Shibko SL. Memorandum to James H. Maryanski, biotechnology coordinator, CFSAN: Revision of toxicology section of the « Statement of policy: Foods derived from genetically modified plants » (Révision de la section Toxicologie de la « Déclaration de politique : aliments dérivés de plantes génétiquement modifiées »). US Food & Drug Administration. 1992. http://www.biointegrity.org/FDAdocs/03/03.pdf

7.      Pribyl LJ. Comments on the March 18, 1992 version of the Biotechnology Document (commentaires sur la version du 18 mars 1992 du document biotechnologique). US Food & Drug Administration. 18 mars 1992. http://www.biointegrity.org/FDAdocs/12/ljpp.pdf

8.      Pribyl LJ. Comments on Biotechnology Draft Document (commentaires sur le projet de document biotechnologique), 2/27/92. US Food & Drug Administration. 6 mars 1992. http://www.biointegrity.org/FDAdocs/04/04.pdf

9.      Sudduth MA. Genetically engineered foods – fears and facts: An interview with FDA’s Jim Maryanski (aliments transgéniques – craintes et faits : un entretien avec Jim Maryanski de la FDA). FDA Consumer. Janvier – février 1993 ; 11–14. http://web.archive.org/web/20090202053904/http://www.fda.gov/bbs/topics/consumer/Con00191.html

10.      US Food and Drug Administration. Statement of policy: Foods derived from new plant varieties (déclaration de politique : aliments dérivés de nouvelles variétés de plantes). FDA Federal Register. 29 mai 1992 ; 57(104) : 229.

11.      Harris G. New official named with portfolio to unite agencies and improve food safety (Nouveau cadre nommé avec un portefeuille pour unifier les organismes et améliorer la sécurité alimentaire) New York Times. 13 janvier 2010. http://www.nytimes.com/2010/01/14/health/policy/14fda.html

12.      Bittman M. Why aren’t GMO foods labeled? (pourquoi les aliments génétiquement modifiés ne sont-ils pas étiquetés ?) New York Times. 15 février 2011. http://opinionator.blogs.nytimes.com/2011/02/15/why-arent-g-m-o-foods-labeled/

13.      Nestle M. Food Politics: How the Food Industry Influences Nutrition and Health (comment l’industrie alimentaire influence la nutrition et la santé). Révision du 15 octobre 2007 : University of California Press ; 2002.

14.      US Food and Drug Administration. Meet Michael R. Taylor, J.D., deputy commissioner for foods (rencontre avec Michael R. Taylor, J.D., commissaire adjoint pour les aliments). 2011. http://www.fda.gov/AboutFDA/CentersOffices/OfficeofFoods/ucm196721.htm

15.      Robin MM. The World According to Monsanto (le monde selon Monsanto) [film]. 2008.

16.      US Food and Drug Administration. Biotechnology consultation agency response letter (lettre de réponse à l’organisme de consultation biotechnologique) BNF No. 000001. 27 janvier 1995. http://www.fda.gov/Food/Biotechnology/Submissions/ucm161129.htm