« Il n’est pas prévu que l’AESA mène des études [sur la sécurité] car la responsabilité de la preuve de la sécurité du produit génétiquement en question repose sur le demandeur [de l’industrie des produits génétiquement modifiés] ».
– Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)
« Je suggère aux sociétés biotechnologiques de publier les résultats des études sur la sécurité des aliments génétiquement modifiés dans des revues internationales évaluées par les pairs. On ne peut pas attendre de la population générale et de la communauté scientifique qu’elles se contentent de croire que les résultats de ces études sont favorables. Des décisions avisées sont prises sur la base de données expérimentales, non pas sur des suppositions ».
– Domingo JL. Risques des aliments génétiquement modifiés pour la santé : Beaucoup d’avis, mais peu de données. Science. 2000 ; 288(5472) : 1748–1749. [1]
En Europe, l’ Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) est chargée d’évaluer la sécurité des aliments et des cultures génétiquement modifiés. Selon l’évaluation de l’AESA, les autorités gouvernementales de l’UE prennent la décision finale d’approbation ou de rejet de l’OGM.
Dans l’ensemble, les États membres de l’UE ne sont pas d’accord sur l’approbation ou le rejet d’une culture génétiquement modifiée ; la plupart votent pour ne pas l’approuver, mais le vote n’atteint pas la « majorité qualifiée » requise pour rejeter l’OGM. La décision est transmise à la Commission européenne, qui ignore les souhaits de la majorité simple des États membres et approuve l’OGM.
À l’échelle mondiale, les évaluations de la sécurité des OGM par les organismes de réglementation gouvernementaux ne sont pas rigoureuses d’un point de vue scientifique. Comme aux États-Unis, ils ne mènent pas ou ne commanditent pas leurs propres essais sur la culture génétiquement modifiée. Au contraire, ils prennent des décisions concernant la sécurité des OGM en fonction d’études commanditées par les sociétés-mêmes qui bénéficient de l’approbation de la culture.
Le problème avec ce système est que les études de l’industrie sont intrinsèquement partiales. Les revues publiées qui évaluent les études concernant la sécurité/les risques des produits démontrent que les études commanditées par l’industrie ou affiliées à l’industrie tendent plus à conclure que le produit est sûr que des études indépendantes (non affiliées à l’industrie), qui ont plus à trouver des risques. L’exemple le plus notable est celui des études de l’industrie menées sur le tabac, qui ont réussi à retarder les réglementations pendant des décennies en semant la confusion concernant les effets du tabagisme sur la santé. [2] Mais un a priori similaire a été trouvé sur d’autres produits, notamment les produits pharmaceutiques,[3,4] les téléphones mobiles[5] – et les cultures et aliments génétiquement modifiés. [6,7]
Souvent, les études que les sociétés soumettent aux organismes de réglementation n’ont pas été publiées dans une revue évaluée par des pairs et le public ou des scientifiques indépendants ne peuvent donc pas les examiner.
Parmi les problèmes graves identifiés par la société civile dans le processus de réglementation des OGM figurent :
• un manque d’exigences en matière d’essais normalisés
• un manque d’études obligatoires sur l’alimentation des animaux
• l’absence d’études sur la sécurité à long terme
• la qualité médiocre des essais de l’industrie
• la dépendance par rapport aux données sur les essais dans l’industrie
• les lacunes dans les données
• les méthodes d’essai inadéquates, signifiant que des effets toxiques ou allergènes passeront certainement inaperçus
• l’AESA ignore ou rejette les signes de toxicité et les effets indésirables détectés lors d’essais dans l’industrie et d’études scientifiques indépendantes. [8, 9,10]
Par ailleurs, il a fréquemment été prouvé que les experts de l’AESA ont des conflits d’intérêt avec l’industrie des OGM. Leurs décisions sur les aliments et les cultures génétiquement modifiés – et le système de réglementation qu’ils ont aidé à développer – ont été remises en question à maintes reprises par les groupes de la société civile, des scientifiques indépendants, la presse et les Membres du Parlement européen, qui dénoncent les profits pour l’industrie aux dépends de la santé publique. [9,11]
Étiquetage : Les aliments et les ingrédients génétiquement modifiés doivent être étiquetés dans l’UE. Toutefois, il n’est pas obligatoire d’étiqueter les produits comme la viande, le lait et les œufs provenant d’animaux nourris aux OGM. Ceci constitue une faille importante, car la plupart des cultures génétiquement modifiées importées dans l’UE sont destinées à l’alimentation des animaux et le public n’en est pas informé.
Références :
1. Domingo JL. Health risks of GM foods: Many opinions but few data (Risques des aliments génétiquement modifiés pour la santé : beaucoup d’avis, mais peu de données). Science. 2000 ; 288(5472) : 1748–1749.
2. Michaels D. Doubt is Their Product: How Industry’s Assault on Science Threatens Your Health (Le doute est leur produit : comment l’assaut de l’industrie sur la science menace votre santé). Oxford University Press ; 2008.
3. Lexchin J, Bero LA, Djulbegovic B, Clark O. Pharmaceutical industry sponsorship and research outcome and quality: systematic review (sponsorat de l’industrie pharmaceutique et résultats et qualité des recherches : revue systématique). British Medical Journal. 2003 ; 326 : 1167.
4. Lexchin J. Those who have the gold make the evidence: How the pharmaceutical industry biases the outcomes of clinical trials of medications (ceux qui ont l’or fabriquent les preuves : comment l’industrie pharmaceutique pondère les résultats des essais cliniques sur les médicaments). Sci Eng Ethics. Fév. 15 2011.
5. Huss A, Egger M, Hug K, Huweiler-Müntener K, Röösli M. Source of funding and results of studies of health effects of mobile phone use: Systematic review of experimental studies (source de financement et résultats des études des effets de l’utilisation de téléphones mobiles sur la santé : revue systématique d’études expérimentales). Environmental Health Perspectives (perspectives pour la santé environnementale). Janvier 2007 ; 115 : 1-4.
6. Diels J, Cunha M, Manaia C, Sabugosa-Madeira B, Silva M. Association of financial or professional conflict of interest to research outcomes on health risks or nutritional assessment studies of genetically modified products (association des conflits d’intérêts d’ordre financier ou professionnel avec les résultats d’études sur les risques des produits génétiquement modifiés sur la santé ou d’étude d’évaluation de leurs propriétés nutritionnelles). Food Policy (politique relative aux aliments). 2011 ; 36 : 197-203.
7. Domingo JL, Bordonaba JG. A literature review on the safety assessment of genetically modified plants (une revue des documents sur l’évaluation de la sécurité des plantes génétiquement modifiées). Environ Int. Fév. 4 2011 ; 37 : 734-742.
8. Then C, Potthof C. Risk reloaded: Risk analysis of genetically engineered plants within the European Union (Risque actualisé : analyse des risques des plantes transgéniques dans l’Union européenne). Testbiotech e.V., Institute for Independent Impact Assessment in Biotechnology. Octobre 2009. http://foodfreedom.wordpress.com/2009/10/29/risk-reloaded-risk-analysis-of-genetically-engineered-plants-within-the-european-union/
9. Then C, Bauer-Panskus A. European Food Safety Authority: A playing field for the biotech industry (Autorité européenne de sécurité des aliments : un terrain de jeu pour l’industrie biotechnologique). TestBiotech. 1er décembre 2010. www.testbiotech.de/sites/default/files/EFSA_Playing_Field_of_ILSI.pdf
10. Antoniou M, Robinson C, Fagan J. GMO myths and truths: An evidence-based examination of the claims made for the safety and efficacy of genetically modified crops (mythes et vérités sur les OGM : un examen basé sur la preuve des revendications faites pour la sécurité et l’efficacité des cultures génétiquement modifiées). Juin 2012. http://bit.ly/O0IAQS
11. Holland N, Robinson C, Harbinson R. Conflicts on the menu: A decade of industry influence at the European Food Safety Authority (EFSA) (Conflits au menu : une décennie d’influence de l’industrie au niveau de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)). Bruxelles en Belgique. Corporate Europe Observatory and Earth Open Source. Février 2012. http://earthopensource.org/files/pdfs/Conflicts_on_the_menu_report/Conflicts_on_the_menu_report_English.pdf